Après un petit temps d’adaptation, j’ai pris mes marques dans cette école et aurais aimé pouvoir y rester l’année scolaire suivante mais cela n’a malheureusement pas été possible.

L’école de Pont des charrettes est un véritable lieu de vie pour les enfants uzétiens. J’ai été marquée par les nombreux atouts de cette école. Le cadre même est intéressant : le terrain qui entoure l’école se prête tout à fait à différents types d’activités scolaires (potager, activités d’orientation, …). Par ailleurs, les élèves s’approprient aussi ce terrain lors des temps de récréation où chacun trouve toujours une occupation. Les récréations m’ont permis d’observer la création et l’inventivité des enfants (construction de parcours, organisation de jeux collectifs, …) Contrairement à d’autres écoles, je n’ai jamais vu à Pont des charrettes d’enfant s’ennuyant en récréation.

L’école de Pont des charrettes est aussi un véritable lieu d’apprentissage de la citoyenneté. En effet, le faible effectif permet de travailler le vivre ensemble de façon approfondie. Dans la cour de l’école, des élèves de cycle 3 sont médiateurs et règlent eux-mêmes les problèmes qui se posent. Je n’ai que rarement eu à intervenir pour gérer des conflits. Les élèves sont acteurs de leur vie en collectivité. Ils font des propositions, en débattent et votent éventuellement pour prendre des décisions. Chacun apprend à écouter la parole des autres, qu’ils soient plus grands ou plus petits. Le faible effectif oblige les enfants à trouver des solutions lors de mésententes, à faire des concessions.

Cette école est également un lieu de vie au niveau local. Les parents d’élèves sont très impliqués dans la vie de l’école à différents niveaux. L’Association des Parents d’Elèves est dynamique et ses réunions rassemblent la quasi-totalité des parents de l’école, ce qui est assez exceptionnel. Par ailleurs, des parents d’élèves interviennent occasionnellement en classe afin de partager leurs connaissances (art, artisanat, langue vivante, sport, …). Les parents participent ainsi aux apprentissages des élèves en y donnant du sens. L’école devient aussi un lieu de socialisation comme lieu de rencontre d’adultes qui se mobilisent pour des projets communs.

Le dispositif de classe unique, qui me semblait très contraignant de prime abord, s’est révélé très intéressant du point de vue des apprentissages. En effet, l’enseignant accorde moins de temps à chaque niveau de classe puisqu’il doit séparer son temps entre cinq niveaux mais il est en même temps plus disponible car il travaille souvent avec seulement quatre élèves. Ce travail en petits groupes m’a permis à la fois de créer une relation plus approfondie avec mes élèves mais aussi de mieux connaître leurs capacités, leurs réussites, leurs difficultés. Contrairement à ce que j’avais imaginé, ce dispositif m’a permis de mieux différencier le travail, de mieux m’adapter aux besoins de chacun. J’ai ainsi pu accompagner le progrès d’élèves en difficultés.

De plus, la cohabitation de cinq niveaux différents oblige les élèves à acquérir une certaine autonomie. En effet, il y a beaucoup de moments où les enfants ne peuvent solliciter l’aide de l’enseignant qui est occupé avec un autre niveau. Ils sont obligés de travailler seuls, de trouver des solutions, d’aller chercher les informations là où elles se trouvent. Les élèves de cours moyen, qui sont dans cette classe depuis plusieurs années, nous permettent de réaliser à quel point une classe unique rend un enfant plus autonome. J’ai vu des élèves acteurs de leurs apprentissages, capables de découvrir de nouvelles notions seuls. Il me semble que toutes ces contraintes que la classe unique leur impose leur permettent de mieux s’approprier les connaissances, de prendre de très bonnes habitudes de travail et les préparent on ne peut mieux au collège. Les résultats des élèves de Pont des charrettes aux évaluations nationales de CE1 et CM2 reflètent tout à fait ces constats.

Cependant des élèves ne peuvent pas tout apprendre seuls et il se peut que certains se trouvent démunis lorsque leur enseignant n’est pas disponible pour eux. C’est pourquoi une entraide particulière se développe au sein de la classe, d’une part entre plusieurs élèves d’un même niveau et d’autre part entre les différents niveaux. Effectivement, les élèves ne sont nullement dans une relation de compétition entre eux mais bien d’entraide afin que chacun puisse progresser. Un système de tutorat est instauré entre les enfants de cycle 3 et ceux de cycle 2 et chacun sait ce que signifie aider un camarade, sans faire à sa place ni lui donner la réponse.

Pour conclure, je dirais que mon expérience en tant qu’enseignante à l’école de Pont des charrettes a été très enrichissante pour moi en tant que jeune enseignante. Elle m’a aidée à comprendre ce qui était porteur pour des enfants. Elle m’a permis de découvrir des modalités de travail et de fonctionnement que je pourrai adapter dans d’autres classes. Je pense que l’école de Pont des charrettes est un formidable lieu d’apprentissage pour les enfants que ce soit en termes de valeurs ou d’acquisition de compétences. J’espère que de nombreux enfants pourront encore bénéficier de ce cadre d’apprentissage.

J’ai été impressionnée de voir le plaisir que les enfants avaient à venir à l’école, à travailler et à apprendre. J’ai vu tous les soirs des enfants qui ne voulaient pas repartir quand leurs parents venaient les chercher. Une élève m’a même demandé un jour s’il était possible d’aménager le grenier en internat pour pouvoir vivre à l’école. Je suis persuadée que ce plaisir ne peut être que bénéfique pour les apprentissages de ces enfants.

J’ai moi-même pris beaucoup de plaisir à enseigner dans cette école et j’essaierai dans chacune de mes futures classes de me rapprocher au maximum de ces conditions de travail.

Léa Tabel

Institutrice à l'école de Pont des Charrettes de février à juin 2011.